Personne ne se doute de son attitude de maniaque qu'a un plomb qu'a pété quelque part dans un coin de sa tête, pas au premier abord du moins. Pas quand Reagan se tient bien droit dans ses costumes impeccables, sa fiancée au bras, un verre de champagne dans l'autre, à aveugler les demoiselles par-ci par-là avec ses sourires sortis tout droit d'une publicité dentaire. Si on se concentre suffisamment cependant, on peut apercevoir la façon dont ses doigts creusent les hanches de sa dulcinée, la grimace forcée de cette dernière, le talon qui menace de s'écraser à tout moment sur la chaussure de son compagnon. Ce ne sont que des détails auxquels personne ne porte attention, malheureusement. Qui donc serait suspicieux pour douter de la bonne nature du Sabik, cet homme d'affaires prodigieux apparu de nul part pour sauver une entreprise familiale vouée à la noyade ? Personne. Pas lorsqu'il offre des sommes vertigineuses pour des galas, des associations pour des enfants orphelins et autres causes humanitaires dans le genre. L'homme ne parle pas énormément de ses origines, mais lorsqu'on lui pose la question, on apprend qu'il est originaire d'afrique, ou vivait ses parents, et qu'il s'est retrouvé obligé de voyager après la mort tragique de son père. De vieillesse dit-il, en posant une main sur sa poitrine à l'emplacement de son cœur, comme si ce dernier le faisait souffrir rien qu'en évoquant son géniteur. Sa fiancée s'agite à ses cotés ; pour les invités compatissants, elle semble concernée. Pour les plus intimes, elle ne croit pas un mot du pipeau que son futur époux raconte. Il discute de bon cœur, il a la langue bien pendue : ses paroles sont emplies de sagesse et de curiosité envers ce que raconte ses aînés, notamment les plus loufoques, ceux qui n'ont plus toute leurs têtes à cause de l'âge, de la guerre et autre traumatisme du passé. C'est un véritable patriote, empli d'affection et d'attention envers son prochain. Si l'on prêtait attention à ses moindres faits et gestes, on pourrait le voir glisser quelques mots à l'oreille de sa fiancée, la mâchoire tendue et les doigts serrés autour de sa coupe , comme s'il est énervé. On pourrait également voir l'étincelle de peur qui agite un bref instant les prunelles de sa douce, avant que cette dernière ne craque un sourire tremblant en le repoussant légèrement de son épaule, les invités rassemblés riant de leur comportement qu'ils décriraient tous d'amoureux transis. Pauvre d'elle, diraient-ils s'ils savaient ce qu'il se tramait vraiment sous cette façade de couple engagé et heureux. Parce qu'une fois les rideaux tombés, les invités partis et les verres vides, le véritable Reagan apparaît. Il enfile une blouse blanche dissimulée au préalable, ses doigts fouillent la poche pour en sortir un scalpel usé, qu'il fait glisser entre chacun de ses doigts avec expertise. Sa fiancée ressemble à une statue de marbre sur le canapé, figée comme si le scalpel se trouvait juste contre sa gorge, sous sa pomme d'adam qui descend et monte en rythme avec chacune de ses respirations. Lui, ça l'amuse, un sourire qui étire ses lèvres de chat vers le haut. Il peut la sentir d'ou il se trouve, cette peur qui coule des pores de sa peau. Il y a un avertissement dans ses yeux, et elle sait que c'est du à sa conduite de ce soir. Elle était véritablement piégée dans ce cauchemar, et le réaliser était toujours la partie la plus dure à supporter à la fin de la journée. Aussi, lorsqu'il part, elle reste pétrifiée sur le canapé pendant plusieurs heures, comme si la menace plane encore sur sa tête, comme s'il allait resurgir de la porte d'entrée en criant surprise et l'égorger sur le champ. L'africain n'a pas que ça à faire cependant, il sait qu'elle se tiendra à carreaux, comme à chaque fois qu'il lui rappelle ce qu'elle pourrait perdre dans cette histoire si elle essayait de s'enfuir ou encore mieux, de faire la victime et de demander de l'aide. La seule fois ou c'était arrivé, c'était à leurs débuts, et elle avait rapidement compris lorsque l'homme à qui elle avait racontée ses petits secrets s'était retrouvé dans une morgue le lendemain, dû à un accident des plus étranges et inexpliqués. Tout se déroule toujours comme prévu, rien ne va jamais à son encontre. Lorsqu'il rejoint son appartement, la cave est déjà ouverte, les néons clignotent de manière peu accueillante. Pourtant, c'est avec plaisir qu'il inhale l'odeur de désinfectant dans la pièce, prenant soin de refermer la lourde porte derrière lui. Des pieds dépassent de la table d'opération au milieu de la pièce, son livreur attend avec un air sterne de l'autre coté. Lorsque la journée se termine, Reagan a encore du travail sur les mains.[/center]

Reagan a vu le jour en Afrique, dans une famille ou le père était chirurgien, et la mère était simplement femme au foyer. On ne va pas se mentir, c'était la bonne à tout faire, parce que le père était dehors toute la journée à courir après les blessés et à provoquer lui-même des accidents dans l'espoir de pouvoir retoucher quelqu'un. Du coup, sa mère s'affairait aux fourneaux, avec le ménage, tout ce qui pouvait bien l'occuper dans sa journée. Le petit dans tout ça, eh bien, il grandissait tranquillement, comme une petite pousse qu'on arrose au fur et à mesure. A ses 8 ans, sa mère se décida à quitter son père. Allez savoir pourquoi, parce qu'elle avait l'air franchement remontée contre lui en disant qu'il était cruel et qu'il n'avait aucun coeur. Reagan ne comprit pas tout dans cette histoire. Toujours est-il que sa mère ne fit pas de vieux os dans la ville, parce qu'elle disparut du jour au lendemain. Son père lui avait dit qu'elle était partie s'installer ailleurs, mais ça, c'est ce qu'il brodait pour l'endormir. S'il était petit, il n'était pas non plus stupide, il savait voir un menteur quand il y en avait un dans le coin. Mais bon, c'était son père, et il aimait bien son père, donc tant pis pour sa mère. C'est à son anniversaire de ses quatorze années dans ce monde qu'il comprit enfin pourquoi diable sa mère semblait aussi furieuse contre son père en le quittant, lorsque ce dernier l'invita à l'accompagner à son travail, pour lui montrer ce qu'il faisait. Il était assez mature à ses yeux pour commencer à apprendre à manier les instruments coupants et pointus qu'il trimbalait partout dans sa petite valise de médecine. ça ne dérangeait pas le petit plus que ça, franchement. L'école l'ennuyait, non pas parce qu'il était idiot, au contraire, c'était un véritable petit génie, mais tourner des pages de bouquins aussi vieux que le monde toute la journée était loin de le passionner. Il a surement hérité ce besoin de prendre des risques et de se mettre en danger de son géniteur. Il apprit beaucoup de choses, n'en retenu que quelques-unes. Son père travaillait pour le gouvernement, le premier ministre lui-même, un homme qu'il n'avait jamais vu en personne mais qui lui transmettait ses ordres par ses plus fidèles chiens politiques. Enfin, c'est comme ça que Reagan les appelaient, parce qu'ils ne faisaient rien d'autre mis à part trottiner derrière leurs supérieurs et accourir dés que l'un d'entre eux levait le petit doigt. Dans tout ce fouillis, son père retirait des organes à des prisonniers politiques, ainsi que des déportés, des albanais et autres qu'ils tuaient avant de récupérer leurs organes pour les transplanter ou simplement, les revendre. Les chiffres que lui avait montré son père à l'époque lui avait fait écarquiller les yeux, parce que c'était une véritable mine d'or. Aussi, ce ne fut pas étonnant que le petit s'enticha du métier de son père, apprit par les mains-mêmes de ce dernier comment retirer un rein et recoudre la peau sans cicatrice apparente derrière. N'importe qui aurait été dégoûté et aurait trouvé ça horrible, mais c'était une façon de passer du temps avec son père comme une autre. Reagan n'avait pas conscience à quel point leur manière de procéder était fausse, dans son cerveau était déjà implanté les graines de la maladie. Cinq ans plus tard, le gouvernement est démantelé, soupçonné par les forces extérieures de traîner dans des eaux sales. Son père se fit épinglé en même temps, et la sentence ne fut pas difficile à deviner : exécuté dans son propre pays. Son fils quand à lui, se retrouva obligé de quitter sa terre natale et de trouver refuge ailleurs. Il voyagea beaucoup avant d'entendre parler de cette entreprise familiale qui prenait l'eau en corée et qui allait s'effondrer d'un instant à un autre si personne ne redressait la barre. L'équation fut rapide pour le jeune homme : une héritière incapable de reprendre les rênes, un père trop fatigué pour continuer. C'était aussi simple que bonjour. Aussi décida-t-il de s'installer en corée, pour courtiser la jeune demoiselle, et demander sa main à son père, qui ne tarda pas à les laisser se fiancer et à lui laisser les parts de son entreprise. Maintenant, Reagan est sûr d'avoir une couverture digne de ce nom : sa fiancée, il la retient en otage, ainsi que toute sa famille sous son emprise, et lorsque la nuit tombe, il peut reprendre ses activités illégales sur les clients non consentants que lui ramène ses divers associés.