Ses pleurs étaient un appel au secours. Ses larmes étaient la manifestation de l'être faible et chétif qui se plaignait des coups et morsures de ses propres démons. Oh la souffrance, oh la déception, oh la honte d'être dans la tête d'Adonis. Un tel mal ne pouvait être qu'incurable, mais il s’obstinait, cet enfant perdu. Il s'obstinait dans la quête de la rédemption et il croyait dur comme fer qu'un jour viendrait où il serait enfin en paix, où sa double-vie finirait par ne devenir qu'une seule et même entité. Il ne survivrait plus avec le poids de ses pêchés sur ses épaules. Il rirait, il profiterait, il vivrait, tout simplement. Il se devait donc de pleurer, de décharger son fardeau sur les larges épaules de Nao. Parce qu'il était réellement le seul à avoir essayé de creuser. Il avait trouvé quelque chose, il avait volé quelque chose à Adonis et même s'il ne savait pas quoi exactement, il était irrémédiablement attiré par le tatoueur et il se disait en permanence qu'avec lui, ce serait peut-être possible d'ouvrir sa boîte de pandore. Et pour quoi, ensuite ? Faire souffrir son ami autant que lui souffrait ?

Voilà pourquoi Adonis n'arrivait jamais à dire la vérité, à dire ce qui lui faisait autant souffrir. Si quelqu'un le savait, que lui arriverait-il ? Qu'arriverait-il à leur relation ? Adonis ne voulait pas perdre Nao. Il ne voulait pas perdre ce lien si spécial qu'il avait avec lui, alors il pleurait, il sanglotait de ne pas pouvoir tout dire. Il s'en voulait terriblement, mais il se disait que c'était pour le bien du jeune homme. Adonis était un démon, un ange emprisonné dans le corps imbibé de luxure. Ses pores transpiraient de cette énergie négative et mystérieuse. Il finirait par contaminer quelqu'un un jour, il en était persuadé. Il érigeait des murs pour empêcher à quiconque de risquer sa vie pour lui. Et comme la princesse en détresse dans son donjon, les dragons et autres pièges maléfiques étaient là pour dissuader Adonis de dire la moindre chose sur sa vie nocturne. Nao était dans l'ignorance, et pourtant il s'efforçait de rendre Adonis meilleur. Il le rassurait, lui prenait le visage entre ses mains en lui embrassant le front. Dans l'ignorance, il finirait par trouver la vérité. L'androgyne ferma ses yeux, quelque peut calmé par les actions doucereuses de son ami. Il remonta ses mains sur celles du jeune homme, incapable cependant d'acquiescer à sa remarque. « Crois-moi... tu n'as pas envie de savoir ce qu'il m'arrive... » Il n'en avait réellement pas envie, c'était ce que se disait Adonis en boucle. Ne pas vouloir savoir le fond du problème. Ne pas savoir qu'en réalité, il écartait les cuisses presque chaque soir pour rapporter un peu de sous et se sentir exister autrement. Désiré, loin de ses questionnements intérieurs, il compensait l'absence de ses parents biologiques par les attentions de ses clients, de ses proches. Il ne vendait pas son corps contre de l'argent. La vérité était ailleurs: il vendait son âme pour se donner l'illusion d'être aimé. Là, quelque part, où le néant n'avait pas sa place.