C’était un soir en solitaire. Sa chère et tendre épouse était de sortie. Le club des femmes de plus 50 ans se lançait à la poursuite du fun. Spa, journées entre amies, tel était le programme. Mais Jaejoon, il pensait pas à ça comme quelque chose de si merveilleux. Ça aurait pu l’être pour sûr mais il y avait Sarang. Oui, Sarang, la tentation, le démon. Il lui faisait du pied, jouait avec ses nerfs et son attraction. Jaejoon était comme un prédateur dès qu’il le voyait. Un fou, un taré au possible. Et ça, il ne pouvait pas le contrôler. Il pouvait décider de toutes ses pulsions, exceptées celles dans lesquelles Sarang était impliqué. Cruel châtiment pour celui qui ne voulait que se venger. Il l’avait épousée par la facilité de son compte en banque, pas pour s’amouracher ou baiser son fils. Non, il ne devait pas faire ça. Tous les efforts d’une vie partiraient en fumée. Alors Jaejoon, il décide de s’enfuir. Si Sarang rentre, il pourrait craquer. Se laisser aller à vouloir des choses mauvaises et surtout très dangereuses. Il prend ses clés, tout ce qu’il faut et il se casse. Laisse la maison déserte, vide. C’est mieux comme ça. Mieux que de le croiser et d’avoir envie de le baiser jusqu’à ce qu’il le supplie d’arrêter.


Jaejoon roule, sans trop savoir où aller puis il finit par se souvenir de ce bar. Ouais, c’était sympa à l’époque où il n’était pas marié. Alors il délaisse son bolide afin de marcher vers l’endroit. De retrouver un peu le passé. Les bonnes vieilles habitudes. Il entre et se laisse aveugler par les drogués, les danseurs fous et les néons. Ses oreilles accueillent également une musique douteuse. Rien n’a changé. Jaejoon se faufile entre les gens. Le bar est plein à craquer. Il n’a qu’un but : atteindre le comptoir. Chose réussie après quelques bousculades involontaires. Il s’assoit. Calme, serein. Autant boire ce soir. Il n’a rien d’autre à faire de toute façon. Jaejoon commande une vodka. Nectar pour oublier, remède à l’ennui pour lui. Il reste là, pensif devant son verre pendant longtemps. Le temps semble passer à toute vitesse, comme si quelqu’un jouait avec les aiguilles de la pendule.

Jaejoon se noie dans sa vodka et ses pensées. Enfin, jusqu’à ce qu’elle arrive. Une fille prend place à ses côtés. Elle n’a pas d’autre choix, il faut bien l’avouer. C’est le seul tabouret libre. Misère. Jaejoon écoute sa conversation avec le barman. Il tilte au prénom. Snow. Il sait. Il connaît ce prénom, l’a déjà entendu. Il a l’impression de voyager dans le temps. Jaejoon est intrigué. Les pensées se bousculent et il cherche. Hésite à la fixer pour se souvenir. Il tourne finalement la tête. « Tu t’appelles Snow ? » demande t-il. Il veut capter son attention pour la regarder. L’observer et se remémorer. Dès qu’il croise son regard, ça lui fait comme un choc. L’orphelinat. Une semaine. Elle, elle y était. Il se souvient encore de ses yeux. Ils parlaient plus qu’elle. « T’as pas été à l’orphelinat ? La gamine qui parlait pas, c’était toi non ? »

La bombe est lancée. Il attend désormais une réponse. Parce que Jaejoon se souvient d’elle. De l’orphelinat. C’est une semaine si lointaine mais dont il se souvient parfaitement. Parce que c’est là où il a tout perdu. Où il n’avait plus personne. Elle, là-bas, morte. Parce qu’ils ne pouvaient plus la sauver. Ses parents biologiques avaient fait quelque chose. Il en était certain. Mais Jaejoon, il ne pouvait encore rien dire. Il n’avait plus rien, même pas un statut assez haut pour l’ouvrir. Non, c’était un bâtard. Un enfant refilé à l’orphelinat pendant une semaine. Une semaine à réfléchir, à penser à ce qu’il s’était passé dans le détail. A réalisé que ce n’était pas un accident, loin de là. Tout était trop parfait, trop lisse. Ça venait d’eux. Ils avaient tout pourri. Comme d’habitude, ils n’étaient bons qu’à ça. Mais pendant cette semaine, Jaejoon avait bien observé. S’était demandé ce que les autres faisaient là. S’ils avaient perdu leurs parents ou avaient été abandonnés à la naissance. Les possibilités sur leur présence étaient multiples. Toutes uniques ou presque. Et dans ces silences, il avait détaillé ceux qui étaient là. Et c’était cette petite, Snow, qui avait retenu son attention. Lui se taisait mais pouvait parler. Elle, non. Elle semblait vivre de silence.

A sa question sur son prénom, elle acquiesça. Ne répondit rien. Non pas qu’elle ne sache pas parler. Elle venait de converser avec le barman après tout. Peut-être pensait-elle que Jaejoon était intéressé. Qu’il la draguait, la voulait ou n’importe quoi d’autre. Sauf qu’elle aurait pu être une sirène, ça n’aurait rien changé. Il avait l’annuaire gauche occupé et des désirs salaces pour un gamin. Enfin, Sarang n’était pas un gamin. Il avait simplement un an de moins que lui mais la situation était compliquée. Electrique à vrai dire. Tout ça pour dire que Jaejoon n’avait nullement l’intention de lui faire du rentre-dedans. Ce n’était plus un gosse. Il avait d’autres préoccupations. Et ça lui faisait juste bizarre de recroiser cette fille ici. Parce qu’elle faisait partie du passé, de ce qui le motivait à se venger. Et que ce soir était triste, sans intérêt alors il cherchait à le rendre vif.

A sa deuxième question, elle sembla s’éloigner. Pas physiquement mais ses yeux disparurent. Sa seule réponse fut une faible question. Jaejoon sourit, reporta son attention sur son verre, une seconde. « Jaejoon. Han Jaejoon mais tu ne te souviens probablement pas de moi. » Il tourna la tête, comme pour lui laisser le temps de se souvenir. Il la regardait en cherchant à savoir si jamais il lui rappelait quelque chose. « Je suis resté une semaine à l’orphelinat. Mais ça fait un bail alors t’en fais pas si je te dis rien. »