Instabilité. Ce mot règne en maître sur la vie de Willow. D’une situation à une autre, elle sera une personne totalement différente. Elle pourra vous sembler en plein contrôle et sûre d’elle-même, comme elle pourra vous sembler douce et docile. C’est tout simplement un jeu pour elle, une façon de montrer qu’elle est malléable et qu’elle sait s’adapter à tout type de situation.

Étudiante en droit et ayant l'intention de devenir avocate, Willow sait se tenir lorsque c’est nécessaire. Elle sait faire preuve de jugeote et être impartiale lorsque la situation le demande. Elle ne se gênera d’ailleurs pas pour user de ses charmes et de ses talents d’élocution pour épater la galerie et avoir ce qu’elle veut. L’art de la manipulation n’a que très peu de secret pour la blondinette. Elle est extrêmement directe et ne passera pas par milles chemins pour que le message se rende. On la qualifie parfois d'impulsive, ou alors d'impatiente, puisqu'elle a souvent du mal à rester en place et à se concentrer sur une seule chose. Elle a d'ailleurs tendance à se fâcher rapidement et à faire preuve d'une cruauté sans pareille, cruauté qui, après coup, la surprend elle-même.

D'un autre côté, Willow est doté d'une écoute et d'une compassion à toute épreuve. Si vous avez besoin d'une épaule sur laquelle pleurer, c'est vers elle qu'il faut venir. Même si elle ne semble pas toujours être la meilleure personne à consulter, elle se révèle parfois être de bon conseil. Elle pourra d'ailleurs faire preuve d'une douceur incomparable et se plaira à se coller contre vous, à vous démontrer toute l'affection qu'elle vous porte.

La demoiselle est un peu comme un yoyo. En un instant elle pourra se montrer calme et adorable, comme elle pourra se montrer impitoyable et sûre d'elle l'instant d'après.

Une tempête s’abat sur la ville. Un typhon s’approche et menace le sud de la péninsule coréenne. L’anglaise n’a toutefois plus la tête au précaution, cramponnée à son lit d’hôpital alors qu’elle donne naissance à son premier enfant. Les yeux brillants de celle qu’elle nommera Willow valent tout leur pesant d’or et la femme oublie rapidement la douleur ainsi que les pluies torrentielles qui s’abattent sur sa ville d’adoption. C’est le début d’une grande épopée pour celle qui sera glorifiée par sa famille et démolie par les autres.

Quatre ans. Willow est au parc, accompagnée de sa mère. Le regard des vieilles femmes coréennes ne cessent de valser sur la chevelure blonde de la petiote et passent des commentaires que Jaylee, en mère modèle, capte sans problème. Elle sait que sa fille n'est pas comme les autres, qu'elle ne fait pas partie du moule parfait et qu'elle ne sera jamais complètement coréenne. C'est cette tirade qu'elle lance dans un coréen parfait, laissant les grands-mères béates, tirant sa fille hors de ce parc pour la ramener à la maison. C'est à ce moment que l'exil commença. Voulant être certaine que sa seule fille ne manque de rien, Jaylee engage une nounou ainsi que quelques professeurs privés qui passent régulièrement à la maison pour éduquer la prunelle de ses yeux. Ce n'est qu'à ses dix ans, suivant le conseil de son mari, que l'anglaise lâche prise et inscrit sa fille à l'école.

Onze ans. La première année de Willow à l'école se déroula sans grandes embûches et sans grandes rencontres. Elle se trouvait être en avance sur les autres élèves dans certaines matières, ce qui fait qu'elle se perdait incessamment dans ses rêveries et que ses professeurs se devaient de la ramener à l'ordre. Les élèves se mirent sur son dos, l'excluant lors de la récréation et se montrant acerbes envers elle. Ces gamineries durèrent encore cinq ans. Cinq ans où elle sombra, lentement mais sûrement, où elle se durcit et s'isola d'elle-même. Suite à une promotion qui tomba au bon moment, le père de la demoiselle fut muté à Séoul et la famille entière déménagea. Willow laisse tout derrière, sauf peut-être quelques empreintes invisibles à l’œil nu.

L'exclusion fut moins pénible, mais la blondinette restait marquée. Elle n'osait jamais s'avancer vers les autres et perdait tous ses moyens lorsqu'on l'abordait. Elle réussit tout de même à se lier d'amitié avec certaines personnes et mit fin avec succès à ses études avant d'enfin entrer à l'université. Ce ne fut certainement pas sans embûches ni sans baisse de motivation, mais elle en fut capable. Ses cuisses portent toutefois le lourd fardeau de ses années passées, échappatoire à la douleur morale qu'elle ressentait.

Willow ère dans les rues de Séoul. Sa vision n'est pas totalement claire et ses pas ne sont pas les plus droits, mais ses talons claques sur le bitume encore chaud. Elle essaie tant bien que mal de s'accrocher au bras de l'homme qu'elle accompagne. Black out. Elle se réveille le lendemain matin dans une chambre d'hôtel qui lui est inconnue, son cœur tambourinant jusque dans ses oreilles. Elle se rhabille, résignée, retrouvant le chemin de son appartement pour s'allonger quelques heures et filer en cours. Routine habituelle qu'elle répète depuis maintenant un an, insensible à ce qui l'entoure, la tête dans les nuages. Elle s’assomme à coups de cachets, illusion parfaite en ce monde imparfait.